« Le francique » : différence entre les versions

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Dernière version du 3 juillet 2012 à 13:18


Une carte a également été réalisé par Daniel Laumesfeld, résultant de ses recherches approfondies sur les langues régionales disponible en téléchargement

        Le francique luxembourgeois, langue nationale au Grand-Duché du Luxembourg, est, au sein du Pays des Trois Frontières, notre langue régionale. Faisant partie de notre patrimoine, de notre héritage culturel, il est grandement nécessaire d'apporter plus de précisions sur ses origines ainsi que sur son déplorable déclin que certains essaient néanmoins de reculer.

Le francique luxembourgeois, présent sur notre territoire thionvillois, n'est pas la seule langue francique au sein de notre région. Il existe en effet les franciques mosellans et rhénans et le bas alémanique, un dialecte alsacien quelque peu présent dans la région de Sarrebourg.

Vous pouvez également consulter un autre article de Gérard Nousse présent sur notre site : "Daniel Laumesfeld".


Le francique : réalités et idées reçues

        La grande majorité des populations rurales du nord-est de notre département parlaient jusqu'à une époque récente (fin des années 60) quasi-exclusivement le francique, une des nombreuses langues régionales de France (parmi le corse, le basque, le catalan, l'occitan, le breton, l'alsacien, etc).

        Le francique donc, est notre langue régionale. Beaucoup l'utilisent à leur insu, lorsqu'en parlant français, ils utilisent les mots « Schnëss » (bouche, gueule), « Stempël » (tampon), ou tout simplement « yo » pour dire oui, voire « Schnuddel » (morve) ou « Schneck » (croissant). C'est une langue d'origine germanique qui se décline en trois variétés dans notre département :

  • le francique luxembourgeois dans le pays thionvillois et le pays sierckois.
  • le francique mosellan dans la région de Boulay Bouzonville
  • le francique rhénan dans le bassin houiller et autour de Sarreguemines-Bitche.

        Appelé « luxembourgeois » au Grand-Duché du Luxembourg, le francique est la langue nationale de nos voisins (officiellement depuis 1984) qui l'utilisent aux côtés du français et de l'allemand. C'est une langue internationale pratiquée également chez nos voisins belges (région d'Arlon) et allemands (région de Perl, Bittburg).

        Jo Nousse, instituteur enseignant le francique dans quelques écoles primaires du pays de Sierck précise même que : « De nombreux habitants ont dû quitter notre région – surtout au Moyen Âge, mais également au milieu du XIXè siècles – car ils étaient très pauvres. Ces émigrants ont continué à parler leur langue là où ils se sont installés. Ainsi, le francique luxembourgeois est encore pratiqué aujourd'hui dans certains secteurs de Roumanie et aux Etats-Unis (aux USA, 17 000 personnes parlent le francique luxembourgeois ! » (1)

        L'origine du francique dans notre région remonte aux invasions franques ; c'est la langue de Clovis et Charlemagne qui a traversé quinze siècles et qui, aujourd'hui, si rien est fait, risque de vivre ses dernières années dans notre cher pays où 30 000 à 40 000 personnes connaissent encore le francique luxembourgeois. Pour tous ceux qui s'intéresseraient à ces questions d'un point de vue linguistique/scientifique, je renvoie aux excellents travaux de Daniel Laumesfeld, notamment à son livre posthume « La Lorraine francique, culture mosaïque et dissidence linguistique » paru aux éditions l'Harmattan ainsi qu'aux nombreux numéros de la revue GEWAN éditée par l'association WEI LAANG NACH ? (Combien de temps encore ?) sise 5 rue du manège à Thionville.


        Après l'exposé de ces faits linguistiques, venons-en aux dénominations diverses qui parasitent et encombrent la réalité de cette langue. Les habitants de la région désignent le francique souvent sous le vocable « patois ». Il faut savoir que ce terme est extrêmement péjoratif. Selon le dictionnaire le Robert, son origine est le radical patt – qui nous a donné « patte » et « pataud ». Il désigne la forme abâtardée d'une langue et exprime la grossièreté et l'inculture de ceux qui la parlent (2). « Patois », forgé par la noblesse « instruite » pour désigner la supposée inculture du peuple est donc un terme à proscrire absolument en ce qui concerne notre francique. D'autres habitants diront : « Ech schwätze Platt » (Je parle le Platt). Le terme « Platt », lui, n'est pas péjoratif mais, linguistiquement, il signifie « dialecte ». Très utilisé dans le nord de l'Allemagne, il désigne une multitude de dialectes ne faisant pas partie du même ensemble linguistique que le francique. Nous dirons donc que « Platt » est acceptable mais linguistiquement peu précis. Enfin d'autres s'exclameront : « Je parle le luxembourgeois ». Ils ont linguistiquement raison (voir plus haut). Ces dernières années est apparue une catégorie d'habitants de plus en plus importante qui, carrément, ignore l'existence de notre langue régionale. Ce petit article permettra peut-être à cette catégorie en pleine expansion d'un tant soit peu se réduire.

        Un certain nombre d'idées reçues perturbent aussi la compréhension de cette réalité linguistique. On entendait dire, il n'y a pas si longtemps, la chose suivante : « Ce patois, c'est du mauvais allemand, un reste de l'annexion ». Rien n'est plus faux ! Rappelons que l'allemand standard, celui qu'on enseigne dans nos collèges et lycées, est une langue qui date du XVIè siècle. Elle a été codifiée par Luther dans le but de diffuser la bible et faire connaître la Réforme. Le francique est donc apparu dix siècles avant la forme unifiée de l'allemand et ne peut donc en aucun cas être du « mauvais allemand » ou un héritage de l'annexion !

        C'est la tradition jacobine française issue de la Révolution (et des diatribes de l'abbé Grégoire) qui est à l'origine de la croyance qu'en France, tous les Français, depuis la nuit des temps, parlent le français. C'est le mythe « Une Nation = une langue » entretenu par les révolutionnaires qui l'estimaient nécessaire à la diffusion de leurs idées et à la réalisation de leur objectif politique : une nation unie, indivisible et républicaine. Or, en France, au début du XXè siècle, sur une population estimée à 39 millions d'habitants, 25 millions ne parlaient pas le français mais une langue régionale (cf Claude DUNETON déjà cité). C'est l'école de Jules Ferry qui va être le vecteur essentiel de la diffusion de la langue française dans l'hexagone, c'est elle et ses hussards noirs de la république qui vont porter le coup le plus sérieux aux langues régionales de France. Dans notre région, l'annexion n'a rien arrangé et le retour à la Mère Patrie se fera avec obligation de gommer toute trace germanique ; le francique en pâtira, injustement assimilé à la langue de l'occupant. Dans les années 70-80, le rouleau compresseur médiatique (surtout télévisuel) va parachever la francisation de notre région, veillant à ce que le francique n'ait surtout pas droit de cité sur les chaînes régionales. C'est donc une réalité linguistique très dégradée qu'offre aujourd'hui notre région : de moins en moins de locuteurs (les quadragénaires forment les derniers gros bataillons de locuteurs de langue maternelle francique), la compréhension passive se réduit également et les jeunes, dans leur grande majorité, ne parlent ni ne comprennent le francique. Le militantisme régionaliste de la fin des années 70 et du début des années 80, qui a vu venir le danger, s'est fait aujourd'hui extrêmement discret faute de combattants et seules quelques expériences d'enseignement précoce (3) ainsi que la proximité de l'opulent Grand-Duché entretiennent un mince espoir de survie de notre langue de ce côté-ci de la frontière. Pourtant, cette langue et cette culture dans lesquelles l'auteur de ces lignes a baigné durant toute son enfance, nous a tant donné. Par le lien générationnel, nous sommes passés du monde de nos anciens, avec ses rites, ses codes, ses tradition culinaires, son humour (ah ! les Witzen (4) de nos grands-pères !), sa sagesse, son amour parfois obsessionnel de la terre, ses difficultés de vivre aussi, à un monde contemporain beaucoup plus matérialiste, froid, anonymes et uniformisé.

Gérard Nousse


(1) L'ami hebdo n°35 1er janvier 2006
(2) Lire à ce sujet « Parler croquants » de Claude Duneton, édts Stock + Plus
(3) Plus de 600 élèves (primaires et grande section de maternelle) bénéficient d'un enseignement du francique luxembourgeois dans le secteur du collège de Sierck-les-Bains
(4) blagues

Le platt et la reconnaissance juridique

L'apparition de lois concernant les langues régionales et minoritaires en France reste un phénomène plus ou moins récent. Cependant, il ne s'agit là que de lois ne donnant pas de réels droits aux personnes parlant une langue régionale. Une charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 a été signé par la France mais n'a toujours pas été ratifié, ce qui lui aurait donné une véritable valeur juridique. Cette volonté française de préserver sa culture jacobine afin de masquer sa peur du communautarisme n'est pas approuvée par l'Union Européenne et ses membres.

Le platt aujourd'hui

Associations et festivals

L'association "Gau un Griis" notamment agit pour la préservation des langues franciques présentes sur notre territoire.

Depuis plus d'une dizaine d'années, la ville de Sarreguemines organise un festival "Mir redde Platt" dont le thème principal est le platt. Cette année - 2012 -, le festival s'est déroulé du 9 mars au 4 avril et la chaîne régionale Mozaïk en a fait la promotion.

Enseignement

Un dispositif a été mis en place en 2005 dans le canton de Sierck-les-Bains afin de dispenser des cours de luxembourgeois de la maternelle à la classe de 3ème. Cinq professeurs assurent les cours mais un problème se pose : comment les remplacer lorsqu'ils prendront leur retraite ?

De plus, après le collège, rares sont les lycées proposant la poursuite de l'apprentissage de la langue. Seul le lycée Hélène Boucher à Thionville propose des cours de luxembourgeois mais seulement quelques élèves ont suivi ce cours avant la Seconde... Le lycée ne propose donc que des cours au niveau débutant.

Le platt en chanson

En 1997, Manfred Pohlmann et Jo Nousse ont fondé un groupe musical franco-allemand afin de rendre compte de leur passion commune pour leur langue maternelle, le francique. Leurs chansons sont cependant loin d'appartenir à un répertoire fermé : on y retrouve du français, du francique mosellan, luxembourgeois, de l'allemand, de l'italien, du corse, du breton, de l'anglais, de l'occitan, du catalan et du yiddish.
Afin de découvrir leur univers et replonger dans vos racines, rendez-vous sur leur site MySpace.

La boutique en Platt de l'Office de Tourisme de Thionville

Depuis peu, l'office de tourisme de Thionville propose des T-Shirt, mugs, stylos, bonnets et autres objets-souvenirs avec une inscription quelque peu original... La boutique en platt vous invite à y faire une visite afin de peut-être trouver un cadeau à la fois utile et insolite..

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Vous pouvez aussi trouver dans la collection "Pour les nuls" un guide de conversation en platt.



Cali, lors de son passage à "La Passerelle" à Florange en mars 2012.
Cali reçoit les membres du collectif "Thionville Philadelphie" et un de ses cadeaux : le T-Shirt en platt de la boutique de l'office de tourisme de Thionville.

Retrouvez Cali sur Myspace et sur son site officiel.

Le francique dans la presse

Le platt est partout : sur nos mugs, nos sacs, des chansons, des associations, des festivales et les journaux de la région en parle également. Quelques articles sont à lire :
- Ami Hebdo (22 mai 2011)
- Républicain Lorrain (05 avril 2011)
- Républicain Lorrain (05 avril 2011)
- Républicain Lorrain (06 avril 2011)
- Républicain Lorrain (26 mars 2011)