Rose-marie Majesté a sept enfants et elle fréquente l’atelier linge de la chaussée d’Océanie. Elle n’habite pas la Côte des roses mais les basses terres et là aussi on démolit des immeubles pour rénover le quartier.
Rose-Marie est née à Haïti il y a trente quatre ans dans une famille de six enfants dont il ne reste que deux frères au pays. Son père est mort et sa mère vit avec son mari à Miami en Floride. Un frère vit également à Miami, un autre à Paris et une sœur ainée en Guyane. C’est chez elle que Rose-Marie est arrivée en quittant son île en 1994. Elle voulait faire des études et un peu de mieux-être. Deux ans plus tard, Rosemarie est mariée à Jean Claude Majesté. Il est évangéliste.
En 2004 la famille rejoint la métropole avec ses cinq enfants pour suivre des études pastorales à l’institut biblique pastoral baptiste d’Algrange[1] en Moselle. Le mari de Rose-Marie veut rester trois ans en France pour devenir pasteur évangélique, et rentrer en Guyane.
Sept ans plus tard la famille est sur le départ, elle est resté plus longtemps qu’ils l’avaient imaginé : c’est que les conditions de vie sont meilleures ici qu’en Guyane.
L’école surtout[2]. Il manque beaucoup d'écoles en Guyane. Les classes sont surchargées.
Les fournitures scolaires sont hors de prix tandis que durant six ans en Moselle les enfants ont eu les fournitures scolaires gratuites à chaque rentrée.
Et les prix ! La vie est très chère. Par exemple, deux yaourts sucrés coutent 2,50 euros. Les prix sont triplés et parfois même quintuplés par rapport à la métropole. Autre exemple : ici, deux des enfants sont au conservatoire de musique, l'un fait du piano et l’autre l'Alto : cela revient à trois cent euros par an et là-bas, c’est le prix pour un seul enfant.
Mais la décision est prise et si la famille est encore là c’est pour finir l’année scolaire à Thionville. Les enfants ne sont pas très enthousiastes à l’idée de vivre en Guyane et ça se comprend : Eve, l’ainée avait six ans quand elle est arrivée en métropole. Elle n’est jamais retournée et ne connaît plus personne là-bas. Mais elle s’y fera même si tout ça est flou pour elle encore. Deux enfants sont venus agrandir la famille et Rose-Marie a maintenant sept enfants : le seigneur donne. Dieu décide et il l’a choisie pour faire des enfants parce qu’elle peut le faire. Rose-Marie le sait, personne ne lui a demandé d’avoir autant d’enfants. Mais rien ne dépend de nous, Dieu bénit.
« C’est quand le retour ? » entendent-ils autour d’eux. Beaucoup ignorent que la Guyane n'est pas la porte à coté. Ce n'est pas si comme on devait acheter des tickets de métro pour se rendre a un match de foot lorsqu'on habite aux Portes de Paris. Le départ nécessite des milliers d'euros. Des billets d'avion pour neuf personnes et un container de douze mètres pour nos effets personnels. Les gens disent : « Pourquoi voulez-vous retourner en Guyane avec sept enfants alors que la vie y est si chère ? »
Ils répondent : « notre avenir et celui de nos enfants ne dépend pas de nous. Nous faisons pleinement confiance à Dieu. Il n'abandonne jamais ceux qui se confient à lui. » La famille a connu des périodes difficiles et des années sans emploi en métropole mais leur foi est ferme, et elle rentre en Guyane avec confiance.
Beaucoup ont des pensées négatives quand ils se retrouvent sans emploi. Ils se sentent abandonnés et méprisés. « Nous comprenons la souffrance de ceux qui ne trouvent pas de travail lorsqu'ils sont père et mère de famille mais ce n'est pas une raison de penser au suicide. Ils peuvent encore espérer et croire à une vie meilleure, tout en mettant leur confiance en celui qui peut tout faire. » Avoir des projets et les poursuivre, c'est très important. On est vaincu lorsqu'on abandonne son but. "Dieu est un secours, un refuge et un appui qui ne manque jamais dans la détresse".
En attendant le départ, les Majesté doivent faire face au relogement. Rose-Marie était bien dans cet appartement d’où elle pouvait surveiller les enfants qui jouaient dans le parc au pied de l’immeuble. Mais le douze rue Christophe Colomb va être démoli et là où ils vivaient, la rue va couper la banane pour rejoindre l’avenue de Douai.
Faute de T6 libre, le bailleur leur a proposé un T4 dans un autre quartier et ils avaient accepté puisque de toute façon ils avaient décidé de quitter Thionville à plus ou moins long terme.
Le 25 février un container est arrivé pour expédier le plus gros de leurs affaires en Guyane. La coordinatrice du relogement les avait appelés pour choisir le revêtement de sol dans le nouvel appartement. Et depuis le bailleur dit avoir trouvé un T6 alors qu’il n’y en avait plus mais il ne veut pas dire où il se trouve. Les Majesté se méfient et ne comprennent pas ce qui se passe. Déjà ils avaient mal perçu le fait qu’on leur propose un logement plus petit alors qu’ils ont sept enfants et là ils craignent qu’on les loge n’importe où puis que cela ne doit pas durer. Mais ils ont des droits. L’an passé la mère de Rose-Marie est venue à Thionville passer trois mois : cela faisait seize ans qu’elles ne s’étaient plus vu, l’âge que Rose-Marie avait quand elle a quitté Haïti pour recommencer une vie. Elle a sa maison à Cayenne et espère que le Seigneur ne va pas les abandonner : il faut faire confiance et avancer.
Rose-Marie et son mari disent Merci aux deux familles qui les ont aidé à remplir le container sans oublier le voisin qui les a aidé à monter le monte meuble ... ils les oublieront jamais.
« Que Dieu répande sa grâce sur tous les lorrains. Malgré leur incompréhension, nous les aimons et nous souhaitons une longue vie à tous. »