Aïcha Sekkoum, vivre et travailler

De Wikithionville


Aïcha Sekkoum est née le 16 juin 1949 à Chlef, entre Oran et Alger. A dix neuf ans, avec ses deux premiers enfants, elle a rejoint son mari qui travaillait comme cheminot en France depuis l’âge de vingt cinq ans.


Monsieur Sekkoum est mort il y a un an et deux mois maintenant. Il souffrait des reins et de la tête. Aïcha Sekkoum travaillait en intérim depuis 2002. La retraite de son mari était seulement de 400€. Travailler était une nécessité. Comment faire pour payer le gaz et l’électricité quand le loyer est déjà à 300€ ! Pourtant Aïcha a du arrêter de travailler en 2006 quand l’état de son mari s’est aggravé : elle ne pouvait partir travailler et le laisser seul, rentrer le soir entre dix et onze heures et le trouver errant, ici où là dans le quartier.


à droite, M.Sekkoum avec un collègue en 1994





Monsieur Sekkoum avait pris sa retraite de la Sncf dans les années soixante dix et la famille avait quitté Bouzonville pour Thionville et rapprocher les enfants des écoles. Après quatre ans dans un appartement au dessus du restaurant où travaillait sa fille, Aïcha obtient un logement à la bécasse : trois ans tranquilles.

Aïcha à son arrivée en France
Aïcha et ses filles à Bouzonville



Et puis la vie est devenue compliquée, à cause de gens violents et des conditions de vie. D’un côté ceux qui jettent les ordures par la fenêtre, de l’autre, l’ascenseur qui ne marche pas… Un jour, son mari qui était déjà malade et en dialyse, n’a pas pu monter chez lui, au douzième étage. C’est un voisin portugais qui l’a porté sur son dos jusqu’à l’appartement.

Onze ans à la bécasse. Il fallait déménager mais Mosellis n’avait rien à proposer. Donc madame Sekkoum s’est tournée vers Batigère. Paola Morelli a rempli le dossier et a fait visiter l’appartement du square Fénelon une semaine plus tard. Depuis Aïcha vit là, les voisins sont calmes, c’est bien plus tranquille.



Aïcha a repris le travail intérim au Luxembourg, elle est plongeuse. La boite intérim appelle le soir au téléphone pour lui dire où elle doit aller le lendemain. Aïcha prends le bus jusqu’à la gare si c’est le matin tôt, le train et encore le bus une fois arrivée au Luxembourg. Si c’est l’après midi elle prend le bus directement. Ses horaires varient selon la mission, quatre heures de travail, ou bien la journée, ça dépend. Quand on lui demande si elle peut rester faire des heures elle dit oui, pourquoi rester à la maison ?




Aïcha et ses fils
Aïcha et sa sœur au mariage de sa nièce



Les gens sont gentils et c’est la machine qui lave le plus gros. Après il faut vider la vaisselle et la ranger où il faut. Aïcha travaille pour des restaurants d’entreprise, des banques mais c’est dans les cantines scolaires que le contrôle est le plus sévère. Des inspecteurs viennent comme ça, et tout doit être impeccable, de la petite cuillère à la tasse. Le plus dur est de ravoir les plats à gratin avec leur trace de brûlé, il faut frotter et ensuite passer à la machine avec un mélange de savon et de vinaigre blanc : les plats ressortent tout brillants. Aïcha Sekkoum a eu trois filles et trois garçons : deux d’entre eux ne sont pas encore mariés. Elle a dix petits enfants. Aïcha n’aime pas qu’on vienne lui dire du mal de ses fils : elle leur a toujours serré la vis et à la maison, l’heure c’est l’heure ! Elle disait aux enfants « tu vas à l’école, tu sors de l’école et tu rentres directement à la maison. Que font tous ces enfants dehors ? »

Le plus jeune des garçons a vingt trois ans et vit encore avec elle : il a eu son B.T.S en juin dernier. Il a cherché une école de commerce international, il attendait la réponse de trois écoles dont une à Lyon mais les études coutent 4000€. Cette année il est à l’université à Metz.



Aïcha n’a plus de raison de rester tout le temps à la maison. Travailler lui permet de sortir de chez elle, de connaître des gens et la ville. Parler avec les gens lui remonte le moral.


le marché de chlef il y a quinze ans

Article publié sur saisir le changement[1]