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Dernière version du 23 mai 2012 à 10:38
Rencontre avec Thérèse Zehner.
LES DEBUTS - 1946
En 1946, une amie m'a fait rencontrer l'Association Populaire de l'Aide Familiale (A.P.A.F.), qui avait pour but d'aider les familles en difficulté (suite à une maladie de la mère, ou des naissances rapprochées par exemple). Enthousiasmée par cette association qui proposait d'aider les familles qui en avaient besoin, je débutais à Ottange dans des familles de mineurs. A cette époque, il n'y avait pas de financements, les communes proposaient quelques subventions, et nous organisions des kermesses, des bals, des tombolas, pour nous aider à subvenir à nos besoins de fonctionnement. Comme nous ne voulions pas faire de paternalisme, nous faisions participer les familles. Elles prenaient en charge les plans de travail des travailleuses familiales, la trésorerie... et cela bénévolement. Les familles prenaient alors des responsabilités, contrairement à ce que leurs métiers et leur vie de tous les jours proposaient. Cela aussi les aidait beaucoup. Et pour nous, travailleuses familiales, c'était très motivant de voir les familles s'engager comme cela. L'A.F.A.D. est devenue ce qu'elle est devenue (une association départementale regroupant en Moselle environ 350 personnes), grâce à ces familles là. Certaines s'engageaient même ailleurs, prenant goût à l'engagement associatif. Toutes les semaines, nous nous réunissions avec la responsable de notre secteur, par petites équipes de 4 ou 5 personnes, pour faire le point sur le travail. Nos responsables insistaient toujours beaucoup sur deux points: la nécessité d'être discrètes (ne jamais parler de ce que nous voyions ou de ce que nous confiaient les familles), et celle d'être neutres (ne pas s'investir dans les convictions religieuses ou politiques des familles). C'était très important. Très vite, l'association a ouvert des secteurs à Knuttange, Nilvange, Hayange, Séremange, Thionville, Metz. Puis plus tard Rombas, Hagondange etc. Avec l'évolution, peu à peu, les financeurs sont arrivés, et ont demandé à toutes ces associations de se regrouper. C'est alors devenu une fédération départementale dans les années 50. C'est à cette occasion que nous avons eu un nouveau trésorier. Jusque là, les salaires étaient... « comme on pouvait ». Lui, a mis en place un barême à l'ancienneté et ça a été le début d'une meilleure organisation.
Une autre travailleuse familiale, qui a été la première à Ottange, Elise Taebler, témoigne ainsi des débuts de l'association : « Les conditions de vie des familles au sortir de la guerre étaient difficiles. La pénurie à tous les points de vue faisait des enfants rachitiques, les naissances étaient nombreuses, il n'y avait pas d'équipement ménager, le confort manquait, et les aides sociales étaient peu présentes, surtout si la maman était malade. Qui alors pouvait s'occuper des enfants, et des tâches ménagères ?
Les travailleuses sociales avaient des conditions en relation avec celles de la famille (44h de travail donc 11 familles dans la semaine). Au début nous avions 2 semaines de congé payés, puis 3. Nos déplacements d'une famille à l'autre, étaient difficiles (à pieds, ou en bicyclette). Nous vivions dans l'incertitude pour le paiement des salaires, et pas question de primes ou de 13ème mois ! Mais nous avions conscience de l'utilité de notre profession, conscience aussi de ce que cela pouvait apporter aux familles, santé, aide matérielle, soutien moral, mais aussi, pour certains, les aider dans leur prise de responsabilité, avec toute la richesse que cela apporte.
Les bénévoles d'ailleurs, étaient très investis. On peut saluer leur courage pour se lancer dans un métier qui, pour l'époque, semblait révolutionnaire. Les plans de travail ainsi que les réunions, se faisaient chez eux, souvent dans les cuisines. Et comme nous n'avions pas de téléphone, pas de voiture, les responsables des plans de travail nous attendaient parfois au passage, pour nous signaler un changement, ou un membre de la famille se chargeait de transmettre le message. Combien d'enfants ont alors été mis à contribution pour cela ?
Mais c'est grâce à tous ces efforts, à la conviction qui nous animait que les familles avaient le droit d'être aidées, à l'amitié qui régnait entre nous, à la capacité de s'adapter, et d'évoluer, que l'association a pu devenir ce qu'elle est aujourd'hui. »
LES ANNEES 60 à 90
Retour au témoignage de Thérèse Zehner.
En 1963, je suis devenue permanante de l'association, non plus comme travailleuse familiale, mais à un poste qui me demandait de gérer les relations entre les organismes et de soutenir dans leur fonctionnement, les associations locales. Après un court retour comme travailleuse familiale, par un concours de circonstances, je retourne à ce poste plus administratif, mais toujours basé sur le relationnel.
En 1972, j'intègre la fédération nationale. Basée à Paris, je rentrais les week-ends à Thionville, mais j'étais de toutes manières beaucoup sur les routes. J'étais chargée de suivre toutes les associations d'aide familiale de Marne, Haute-Marne, Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle et Meurthe-et-Moselle. J'intervenais à la demande, lors d'assemblées générales, en cas de problèmes rencontrés par l'une ou l'autre des associations.
Dans les années 80, devenue association départementale, l'A.F.A.D met en place (soutenue par un plan gouvernemental d'augmentation des aides familiales), un plan progressif d'augmentation des effectifs. A ce moment là, le département nous soutenait beaucoup.
En 1984, je prends ma retraite mais je reviens à l'A.F.A.D de Thionville comme bénévole. Au début, je suis restée au Conseil d'Administration, mais comme il y avait du monde pour prendre la suite, j'ai arrêté.
UNE EVOLUTION DES CONDITIONS DE TRAVAIL ET DES FAMILLES ?
Quand j'ai commencé, les familles étaient pauvres, mais l'ambiance était différente. On constatait peu à peu une évolution au sein des familles que nous aidions.
J'étais arrivée dans une famille d'Ottange, suite à la demande faite par un voisin, qui sentait cette famille dépassée. Mon aide se limitait au début au ménage, la mère me disait toujours : faites ce que vous voulez. Et peu à peu, à force de passer du temps avec elle, elle a changé beaucoup de ses habitudes, et la famille a évolué. Car on prenait en compte également le bien être de la mère, son repos, elle avait alors le temps et l'envie de s'occuper de ses enfants. J'ai réalisé un jour, en voyant la photo de mariage des époux, en les trouvant si beaux, que toute une vie sans aide, sans soutien, les avaient peu à peu détruits, ils avaient fini par se laisser aller.
Notre service de prêt de machines à laver ou de machines à coudre, pour faciliter le travail des mères, leur donnaient envie de s'équiper, et petit à petit, les familles y arrivaient. Etant dans le besoin, les gens appréciaient vraiment le service. Mais surtout, nous avions plus de temps pour chacun. Nous avions le temps de voir d'où venaient les difficultés des familles, et non pas seulement de palier à un besoin immédiat. C'était la valeur du geste qui comptait. Nos responsables nous disaient souvent : « si vous aimez votre travail, et que vous faites sentir que vous l'aimez, la mère de famille aimera aussi son travail. ». Nous avions de réelles relations avec les familles comme avec les organismes financeurs. A la Caisse d'Allocations Familiales, si nous estimions que nous avions besoin d'heures en plus pour telle ou telle famille, il était facile de convaincre l'assistante sociale. Je peux vous donner un exemple. Dans une famille de six enfants, la mère est morte subitement d'une rupture d'anévrisme. Seul, le père a demandé une aide familiale. Nous prolongions sans cesse ces aides, car le père n'avait ni le temps ni les capacités de s'occuper de ses six enfants. Mais un jour les aides ont cessé. Le père m'a alors dit qu'il allait passer une annonce dans le journal pour trouver une épouse qui ferait le travail d'une aide familiale. Je suis alors retournée voir l'assistante sociale, qui a très vite accepté de nous donner plus d'heures afin de former une personne qui s'était proposée pour aider cette famille. Et les choses se sont arrangées pour tout le monde.
Aujourd'hui c'est impossible. Le nombre d'heures est défini, selon des barèmes, des critères d'évaluation, et tout est fait de manière administrative. Il n'y a pas moyen d'aller au delà. Toutes les démarches prennent du temps. J'ai l'exemple d'un monsieur qui avait demandé une aide à domicile, le temps que son dossier soit traité (plus de 3 mois), le monsieur était mort.
Le changement a été vraiment rapide ces dernières années. Les anciennes aides familiales ont dû s'adapter à des nouvelles conditions de travail et à des interventions courtes laissant moins de place à l'humain.
Par ailleurs, les personnes qui ont besoin d'aides à domicile sont un peu différents, ce ne sont plus des familles, mais surtout des personnes âgées en perte d'autonomie et dépendantes. Le manque de temps et de moyens limite les rapports humains qui font de ce travail un métier social, utile et attentif aux personnes qui en ont besoin.
Self-portrait : parole de bénévoleRéalisation : Thomas Guedenet voir les autres self-portraits de bénévoles Paroles de bénévoles |
Pour en savoir plus sur l'AFAD, voir également l'article : AFAD de Moselle