Boncana, en sonrhaï, signifie « un homme qui a de la chance ».
Le sonrhaï est une des nombreuses langues qui se parlent au Mali, c’est celle du père de Yehiya, aujourd’hui décédé. Yéhiya parle aussi le peuhl car sa mère est peuhl, le peuple des bergers. Il parle aussi le tamasheq car il a résidé dans une ville tamasheq dans son enfance. Le bambara est la langue la plus parlée au Mali mais le plus souvent, quand on est bambara on ne parle que le bambara et Yéhiya est content de parler plusieurs langues. Yehiha a vingt et un an et vient de Gao, ville de la septième région du Mali, jumelée depuis plus d’une vingtaine d’années à Thionville. Il a fait ses études dans une école agro-pastorale de Gao et a obtenu son brevet de technicien après quatre ans d’études.
Ce sont ses bonnes notes et son projet qui ont retenu l’attention du comité de jumelage et lui ont valu l’attribution d’une bourse d’études. Depuis la mi-septembre, il a intégré l’I.U.T de Thionvillle-Yutz pour suivre une formation de deux ans en génie biologie option industrie alimentaire et biologique sur la transformation du lait en particulier.
le mémoire de fin d'études de Yéhiya et la revue de l'école
Le projet de Yéhiya est en effet de sensibiliser les bergers peuhls et tamasheqs à la conservation du lait pour la fabrication de fromage dans de bonnes conditions. Il aimerait aussi ouvrir une fromagerie. Cette bourse est tombée à pic car, pour lui permettre de poursuivre ses études au Mali, sa mère, qui vit de sa demi pension de veuve, aurait du vendre quelques têtes de bétail. Certains dans l’entourage, laissaient déjà entendre qu’il ferait mieux d’arrêter ses études et de trouver un petit boulot pour soutenir sa mère.
les troupeaux font parfois jusqu'à 40 km
pour rejoindre le fleuve( photos Pascal Maitre)
Mais Yéhiya aime apprendre et il a saisi cette chance de venir étudier en France. Lui qui n’était jamais sorti de son pays, est monté dans un avion pour la première fois. C’est aussi la première fois qu’il se retrouve seul dans une chambre comme ici au foyer des trois frontières. Les couloirs sont déserts et silencieux mais derrière chaque porte il y a quelqu’un comme lui. Depuis un mois qu’il est là il s’est fait un petit groupe de copains qu’il retrouve au repas du soir où dans la salle télé. Et le week-end, il est souvent invité par des membres du comité de jumelage.
Sa bourse de 450€ par mois lui semblait importante vue du Mali et il est bien obligé de voir combien la vie est chère en France. La nourriture est aussi une surprise. En Afrique, on connaît tout de l’Europe par les images et quand on voit des gens manger à l’écran, on a envie de rentrer dans la télé manger ce qu’on voit. Mais à l’usage, la nourriture est bien plus fade qu’au Mali : il faut toujours ajouter un assaisonnement.
yéhiya est content de suivre les cours de l’I.U.T malgré ses difficultés en chimie et en maths. Le niveau d’entrée est celui de terminale S et il est un peu découragé par ce qu’il lui faudrait connaître pour suivre les cours dans les meilleures conditions : on ne va pas à la guerre les mains vides, à l’école il faut être préparé à ce qu’on va apprendre.
la dune de Gao : l'ensablement menace la boucle du Niger (photo Pascal Maitre)
Il a trouvé de l’aide auprès d’un professeur de biologie du comité mais il a vraiment besoin d’entrainement en chimie et en maths. Comme la vie en Europe, les cours vont très vite. Il est un peu rassuré de voir ses collègues peiner à suivre eux aussi mais il s’étonne que personne ne demande à ralentir le rythme : il n’a pas l’habitude de suivre en même temps les images projetées, écouter les commentaires du professeur et prendre des notes. C’est comme courir deux lièvres à la fois.
Enfin, Yéhiya Boncana ne manque pas de courage, il est prêt à surmonter les difficultés et à s’adapter, même à l’absence de sable de ce pays où tout est goudronné. Il reste déterminé à ramener un diplôme chez lui.