Portrait de Bernadette Vauthier
D’où êtes-vous originaire Bernadette ?
Je suis née en 1940 dans le Poitou à Châtellerault où ma maman était réfugiée mais j’ai grandi entre Sierck et Bouzonville à Waldweistroff, une enfance en Moselle. J’ai passé mon Certificat d’études à 14 ans, fréquenté un collège technique à Metz pour apprendre le métier de couturière avant d’être réorientée sur le conseil de mes enseignantes qui m’encourageaient à poursuivre des études. A 17 ans comme j’étais trop jeune pour commencer l’école d’infirmière, j’ai passé 2 ans au pensionnat de Rustroff où j’enseignais à une classe de 8°, trente gamines dont je surveillais aussi les levers, couchers, récréations, repas, on était corvéable à merci ! Puis j’ai passé le concours à l’école d’infirmière et continué mes études pour être assistante sociale.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Jusqu’à la naissance de notre premier enfant j’ai été assistante sociale de secteur à Hayange. J’ai repris plus tard comme prof dans un collège technique avant d’être intégrée à l’Education Nationale, rattachée à la Briquerie, puis j’ai travaillé comme assistante sociale scolaire pendant 10 ans, un parcours professionnel assez varié finalement.
D’où vient votre engagement dans le domaine associatif ?
C’était logique, avec mon métier qui était déjà orienté vers les autres, j’ai toujours eu le souci des autres, il n’y a pas eu de « déclencheur » particulier. Au début j’avais peu de disponibilité avec nos 3 enfants à élever mais je m’investissais déjà dans le photo-club de Thionville auprès de mon mari qui en avait la responsabilité. Il y avait les salons, les expositions à organiser, etc...
Vous vous êtes engagée dans le domaine humanitaire aussi...
Au moment de ma retraite, j’ai eu l’occasion d’aller à Gao avec le comité de l’association Thionville-Gao dont mon mari et moi étions adhérents et c’est en revenant de ce voyage que je suis entrée au CA en 2003.
Mon mari et moi connaissions déjà l’Afrique, nous étions allés au Niger et au Burkina quand notre fils faisait son service militaire civil à Niamey. Nous sommes allés le voir, c’était notre premier contact avec l’Afrique noire … Premier choc quand tu arrives là-bas, que tu débarques de l’avion, on sait un petit peu, mais tant qu’on ne s’y est pas frotté, ce n’est pas pareil.
Mali (photos Internet)
Quelles ont été vos activités au sein de l’association Thionville-Gao ?
Je me suis investie dans le CA, puis je suis entrée au bureau où je suis maintenant secrétaire, et je suis responsable de la commission Education Jeunesse : on fait des interventions dans les écoles, enfin en ce moment plus trop en raison de la situation actuelle au Mali...
Le nom complet de l'association, c'est "Comité de jumelage-coopération de Thionville-Gao et Kenieba-Konko" Donc on travaille avec Gao mais aussi avec quatre petits villages qui ont des comités de jumelage. Ce sont eux qui nous soumettent des projets, on les étudie, on trouve des financements, c’est le plus gros travail.
Quels souvenirs gardez-vous de vos rencontres dans ces villages ?
L’accueil dans les villages est exceptionnel, tout le village est là avec les enfants, les musiciens qui jouent du djembé, on arrive à pied, on donne des poignées de main à tout le monde, c’est impressionnant, on échange des cadeaux, dans un village, on nous a même offert un bouc ! On l’a ramené à l’hôtel où on logeait et attaché à un piquet, mais il s’est sauvé, tout le monde courait derrière ! On nous offre toujours de l’eau, des grains et des fruits, c’est symbolique.
Photos faites au Mali par Daniel Vauthier
Ils nous font visiter tout ce qui a été financé par le jumelage, les moulins à mil, les moulins à karité : ils ont permis de créer une savonnerie qui fait travailler une trentaine de femmes à la période du karité.
Traitement du karité (photos Internet)
Et en France, de quels projets vous occupez-vous ?
Entre autres, on a un projet de formation. Nous avons quatre étudiants maliens qui sont ici, on les accueille, on les suit, ils sont ici pour la durée de leurs études supérieures. On les voit régulièrement, on est garant, c’est une vraie relation, comme dit une de nos étudiantes « c’est ma famille en France » ! C’est un défi pour ces parents maliens de laisser leur fille de 18 ans partir en France... Pour bénéficier de la formation ici , ils doivent avoir un projet pour là-bas.
Quels sont les projets de ces quatre étudiants ?
Le premier qui fait un BTS fromagerie en alternance dans le Jura veut travailler dans une fromagerie la-bas, ce qui au Mali n’est pas très culturel. Cela permettra d’utiliser les excédents de lait, d’éviter les gaspillages. La deuxième a un projet au niveau de la gestion des déchets, elle est en licence d’environnement à Metz et elle veut faire un master après. La troisième a un projet au niveau de l’eau, eau propre, eaux usées, et la quatrième un projet au niveau de la conservation des aliments. Ce sont des projets liés au quotidien malien, pour répondre à leur problèmes. Ils sont courageux. Quand ils arrivent, ils ont énormément de difficultés, les méthodes d’enseignement sont différentes, avec l’utilisation de manuels, la prise de notes, etc , alors ils apprennent beaucoup par cœur. De plus tous les quatre viennent de Gao. Ils étaient très inquiets pendant cette année écoulée, par moment ils n’avaient pas de nouvelles de leurs familles.
Qui finance ce projet ?
Au départ ils étaient financés par le comité de jumelage, c’était lourd mais grâce au travail de notre président actuel nous avons obtenu que l’Ambassade de France au Mali leur accorde des bourses. Le comité finance encore une fille. Quant au garçon qui fait un BTS en alternance, il n’a plus besoin de nous, il a un salaire d’apprenti.
(voir aussi l'article concernant ce jeune homme Yehiya Boncana, un homme qui a de la chance. )
Des projets pour de futurs étudiants?
Il y a des accords entre l’Université de Metz et l’Académie de Gao. On attend de nouveaux étudiants à la rentrée. Ils présentent d’abord leur dossiers aux comités sur place avant de prendre contact avec l’Ambassade de France...
L’association a-t-elle pu poursuivre ses actions pendant ces derniers mois?
La situation était très difficile. Nous étions toujours en contact avec nos amis maliens par internet, et avec les téléphones portables. Le maire de Gao a été accueilli à Thionville en juillet 2012. Une conseillère municipale aussi est venue et on a pu lui remettre l’argent des parrainages qu’elle a rapporté au Mali pour l’aide alimentaire aux enfants les plus défavorisés. Mais notre comité n’a pu se rendre au Mali depuis 2011.
A Gao, il était dur d’organiser notre action même si le président du comité de jumelage était à Gao pendant l'occupation. Le maire, lui, a dû partir, sa vie étant en jeu. Il est d'ailleurs revenu à Gao avec les troupes française et malienne.
Les villages eux n’étaient pas occupés mais avec le coût de la vie en hausse en raison de la guerre, les villageois ont connu beaucoup de difficultés. En outre le sud du Mali a accueilli 300’000 réfugiés venus du nord, d’où de nombreux problèmes économiques.
En ce moment nous lançons un appel à l’aide d’urgence. Nous avons organisé un concert le 8 mai, obtenu une subvention de la Région Lorraine et fait appel aux dons des particuliers. L’argent récolté sera destiné à l’aide alimentaire, à l’éducation, et à l’hygiène et santé.
Nous conclurons cet entretien en signalant que Bernadette Vauthier est Chevalier dans l’Ordre National du Mérite. Mais elle est bien trop modeste pour en parler : c’est son mari Daniel (Daniel Vauthier, l'art de regarder) qui fournit l’information !!
Vous pouvez voir également:
Journée de solidarité Thionville Mali
Un projet pour aider les enfants à Gao
et site de l'association Thionville-Gao: [1]