Aziz Belkessam est arrivé en France en 2002 pour finir ses études à l’Université de Provence, à Marseille.
Il a une licence de biologie.
Il vit à la Côte des Roses depuis plus de trois ans, mais il n’a découvert l’annexe de la bibliothèque municipale que l’automne dernier. Il avait l’habitude de fréquenter celle du centre ville avec sa femme et quand il s’est finalement inscrit, il a appris l’existence de l’annexe située dans la maison de quartier.
Sa femme a un D.U.T en agroalimentaire, elle lit beaucoup et l’accès à la bibli c’est bien : récemment ils voulaient acheter un livre et il a constaté que la bibliothèque l'avait déjà en rayon.
Quand Aziz Belkessam est arrivé à Thionville, il a d’abord travaillé à l’hôpital Bel-air dans un service d’hygiène et sécurité mais pour des raisons financières, il a choisi de travailler dans une entreprise de sécurité comme vigile jusqu’en 2009.
Aujourd’hui il a trente et un an et se retrouve au chômage. Aziz ne peut pas rester longtemps au chômage, il n’a pas envie d’être assimilé à un cas social. Quand on vient du Maghreb et qu’on devient chômeur, « on paye sa race ». Il ne veut pas de l’image de « l’arabe qui ne fait rien ».
Aziz est originaire de Bouïra[1] en Kabylie. Son quartier est grand comme la Côte des roses et tout le monde se connait. Le respect va de soi, un grand-frère passe dans la rue et sa présence suffit à calmer les enfants. Il y a une vraie solidarité et chacun veille naturellement à la paix commune. L’harmonie est une question d’intelligence. Ici en France, entre les différentes communautés, on ne sait pas toujours de quel côté ça cloche mais celui qui est intelligent accepte la différence.
Par exemple, les mauvais garçons, personne ne leur donne d’importance : les traquer leur donne justement l’importance qu’ils cherchent et cela renforce leurs penchants. Quand Aziz voit un jeune mal agir, il lui rappelle que son père est un homme de bien et cette parole suffit à apaiser les choses.
Les gens ont tout et pourtant ce n’est jamais suffisant : la vraie richesse est de savoir gérer sa vie personnelle par rapport aux autres. Celui qui vit naturellement est comme une plante qui pousse là où elle est. Si tu n’es pas trop égoïste, tu auras ta part dans la vie. Le père d’Aziz était un simple fellah. Il a été torturé pendant la guerre d’indépendance et n’a pas reçu d’indemnités pour ses souffrances. Il n’a jamais rien demandé, mais la vie lui a donné sept fils qui ont tous été bacheliers et à sa mort, il était vraiment respecté dans le pays. Si un homme fait le bien, ses enfants trouveront une porte ouverte un jour.
Il ne faut pas toujours attendre sur les autres mais être capable de défendre ses idées, ne pas être gourmand mais juste, et ne pas accepter de vivre dans des conditions indignes. Les anciens disaient parfois « ah c’est pas cher » mais ce qui n’est pas cher finit par se payer : il faut payer le prix juste pour être à la hauteur de la vie qu’on veut.
En ce moment, Aziz est chômeur mais il reste digne. Celui qui vient de bon cœur fini par réussir. En Algérie, comme ici, les choses s’améliorent peu à peu, tout le monde mange et en fait, on travaille et on cotise pour les autres, on travaille contre la pauvreté. Le changement c’est bien, si on reconnaît sa valeur.
université Mira à Bejaia[2] (anciennement Bougie) où Aziz a commencé ses études.
Depuis cette entrevue, Aziz Belkessam a retrouvé un emploi au Luxembourg.