Cherifa Belhadj : libérer la parole

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A la côte de roses, pour tout le monde Cherifa s’appelle Bebia.

Bebia est née dans ce quartier. Elle a vécu rue Molière, rue Bossuet et elle vit dans son studio de la chaussée d'Océanie depuis que ses parents ont quitté la côte pour acheter un appartement allée Bel-air en juillet 1999.

Quand elle trouve du travail, Bebia préfère les emplois de femme de ménage car les horaires lui laissent le temps de faire ses choses à elle. Elle fait des remplacements comme à la maison de quartier ou encore à la piscine.


Sinon Bebia fait les puces de temps en temps et collecte des objets à revendre. Cela lui permet d’arrondir son Rsa, revenu de solidarité active qui est de 400€ par mois. Elle tape « vide grenier sur internet » et elle prend sa vieille 205 pour aller faire les puces jusqu’à Rethel, Bouzonville et parfois plus loin.

Elle gagne de quoi payer l’essence et les cigarettes et faire les puces, c’est surtout l’occasion de voir du monde, communiquer avec les gens et faire quelque chose de constructif.

Bebia a été en classe jusqu’en troisième techno, elle aimait bien apprendre mais elle était plutôt en retrait quand elle était petite. Elle écrivait déjà des poèmes mais c’est le théâtre qui l’a sortie de son silence. Elle fréquentait les ateliers du TPL à l’époque où c’était gratuit. Après, il fallait acheter la carte d’abonnement aux spectacles pour y aller, elle n’avait pas les moyens.

C’est au club de prévention du centre ville qu’elle avait continué. Bebia connaissait le club depuis toute petite. Son frère Taïeb fréquentait le club et elle rencontrait les éducatrices, Nicole et Isabelle quand elle se promenait dans la rue avec lui.


la troupe du T à l'indienne dans "Déroulez jeunesse"

Bebia avait donc participé à l’atelier théâtre organisé par le club : la pièce s’appelait « un trou dans la nature » avec comme metteur en scène, Abdallah Badis . Et vraiment cet homme donnait le goût de travailler et de faire mieux.

Il était juste mais c’était dur au début, depuis toute petite elle avait peur de parler avec les gens. En lui montrant par gestes comment mimer une situation, Abdallah Badis[1], tout en restant calme, avait su, parfois par la force, lui enlever la peur de communiquer. Isabelle, l’éducatrice qui encadrait l’atelier était là pour rassurer et s’occuper des soucis.



la pièce avait été jouée à l'Irts du Ban St Martin, au Gueulard à Nilvange, salle des tréteaux de l'Orne à Hagondange et dans la petite salle du TPL à Thionville.


Bebia écrit toujours[2] et publie un recueil de poèmes en ligne sur le net[3]. Elle se réveille parfois la nuit pour noter une phrase qu’elle reprend le matin au réveil. Dès que ça fait tilt dans sa tête elle prend des notes.

Aujourd’hui le quartier change, Bebia habite la partie de la barre de la chaussée d’Océanie qui ne sera pas démolie.

Son appartement devrait être complètement rénové et déjà les fenêtres ont été remplacées par des fenêtres à double vitrage. Les ouvriers n’ont même pas abimé le papier peint !


La ville fait tout pour que ça soit bien mais parfois les jeunes ne respectent rien. Quand chez elle Bebia voit des débris tomber des étages au-dessus, elle sort à sa fenêtre pour protester auprès de ses voisins : c’est pas le quartier mais la mentalité des gens qui devrait changer car c’est les gens qui font le quartier.