Audrey Rossé est née à Aboncourt près de Bouzonville. Entre seize et dix huit ans elle vit au foyer carrefour à Metz et travaille au kinépolis de St Julien. Elle quitte le foyer et s’installe à Thionville. Elle travaille alors au Leclerc de Maizières-les-Metz puis au paddy discount, un marchand de fruits et légumes du centre ville qui a fermé depuis. Elle est employée de libre service et fait surtout des remplacements.
Audrey et Frédéric Rossé se sont rencontrés en 1997. Frédéric est originaire de Colmar et travaille en intérim. Difficile pour eux de louer un appartement. Les loyers sont trop chers. Un bailleur ira jusqu’à exiger que Frédéric travaille au Luxembourg pour accepter de louer : 750€ par mois deux mois de loyers d’avance et un mois de caution. La seule solution est l’hôtel social et Audrey et Frédéric vont traverser dix ans de galère jusqu’en avril dernier. Après un hiver sans eau chaude et sans chauffage, Audrey excédée, réussit à obtenir de l’assistante sociale de l’Ase un hébergement provisoire dans un des appartements de l’Armée du salut situé à la perdrix, l’immeuble qui doit être démoli l’an prochain.
Frédéric et Audrey sont mariés depuis 2006 et ont eu deux enfants, Solène qui a huit ans et Kylian qui en a cinq. Solenne sait qu’ils vont redéménager tôt ou tard et a du mal à l’accepter. Déjà elle regrette son école du centre ville où elle a laissé ses copains Depuis qu’elle a changé, elle est la première de sa classe et sans se forcer. A la côte des roses, elle va à l’école à la rigolade. Killian lui, préfère la côte car en ville, sa mère l’a su plus tard, il était terrorisé par un camarade. Aujourd’hui il voudrait aller tout seul à la maternelle. Audrey est contente : ils adorent l’école.
Le mariage avait deux raisons : contenter la mère de Frédéric avec qui il venait de renouer après une longue séparation et rassurer Solène qui demandait toujours pourquoi sa maman avait un autre nom. Un grand mariage de soixante-dix invités rendu possible grâce à un arrangement avec le traiteur que lui avait recommandé sa sœur : payer à l’avance chaque mois le buffet de la cérémonie. Pas question d’aller dans un restaurant, trop cher et puis ils avaient trouvé une salle pour deux jours à Chémery-les-deux avec un grand terrain de foot à côté pour les enfants.
En ce moment Audrey travaille une heure chaque jour dans un lavomatique de Yutz et Frédéric dans une usine Thyssen-Krupp à Florange pour inter-conseil, une nouvelle boite d’intérim. Avant il travaillait au même endroit mais pour Manpower et il avait le panier en plus…. Avec trente cinq heures et deux euros de déplacement par jour, Frédéric dépasse à peine les mille euros. Il fait les quatre fois huit. Le rythme de repos est toujours en train de changer et pendant les vacances c’est dur de récupérer des nuits avec les enfants à la maison.
Il va à l’usine en vélo car c’est difficile de faire la route avec un collègue, les équipes changent tout le temps. Quand il rentre c’est Audrey qui prend le vélo pour aller à Yutz. Elle a bien un vélo mais comme l’ascenseur tombe souvent en panne, ils laissent le plus lourd en bas plutôt que de risquer de le remonter à pied au neuvième étage. Récemment, Frédéric est tombé malade et le revenu du foyer est tombé à 500€. Ils ont bien le Rsa mais celui-ci est calculé sur les trois derniers mois. Audrey avait obtenu un bon d’achat de 50€ du CCAS mais la plupart du temps elle essaie de se débrouiller par ses propres moyens car elle a été plusieurs fois voir l’assistante sociale et elle n’avait jamais le droit à quoique ce soit : elle ne va plus demander.
Pourquoi prendre rendez-vous pour ne rien avoir ? Quelque fois c’est dur de comprendre comment ça marche, tout le monde disait « avec deux enfants, vous êtes prioritaires » mais des demandeurs d’asile étrangers on été relogés bien avant eux. Quand ils ont posé la question aux assistantes sociales la seule réponse a été, « il ne faut pas être raciste ». Quand ils étaient encore à l’hôtel et qu’ils signalaient le danger des prises électriques descellées pour les enfants : « vous n’avez pas à vous plaindre, vous avez un toit ». Comme solution ce printemps, ils avaient proposé un foyer pour lui un foyer pour elle et les enfants. Mais cette fois Audrey était arrivée à un point où rien ne l’aurait retenu. Il faut s’imposer.
Voilà, les enfants jouent sans problème en bas de l’immeuble depuis qu’elle est descendue ramener l’ordre, ils sont habitués au quartier. Mais rien ne retient vraiment les Rossé ici. Tôt ou tard ils y arriveront : ils ont galéré jusqu’ici, ce n’est pas maintenant qu’ils vont baisser les bras. Les enfants sont là, il faut se battre pour eux.