Noëlle Leclerc est retraitée depuis 2008. Noëlle a plus d’une passion : elle aime montrer ce qu’elle fait et partager ses savoirs avec les gens, elle aime l’enluminure pour la paix qu’elle procure à celui qui la fait, elle aime les livres pour le plaisir de lire et l’art de la reliure.
La reliure, Noëlle l’a apprise avec monsieur Falkenroth qui est mort cette année, un grand relieur au service des communes de la région puis du centre Jean Morette où il transmettait son art. Là elle a appris à débrocher et recoudre en se faisant la main sur sa collection d’auteurs russes qu’elle adorait dans sa jeunesse et dont elle avait encore toute la collection en format de poche.
Du livre au parchemin Noëlle est passée à l’enluminure, c'est-à-dire l’ornementation de la première lettre du premier mot de la première phrase d’une page. C’est une pratique qui remonte au moyen-âge et à la confection d’ouvrages religieux par les moines copistes et enlumineurs. Les pages sont en parchemin, c'est-à-dire en peau animale et c’est toute une alchimie pour parvenir à peindre. Les dessins sont rehaussés à l’or fin et la préparation des sous-couches est longue, minutieuse et mystérieuse car on utilise les mêmes techniques qu’au moyen-âge. Le « mordant », la couche préparatoire est faite de plusieurs couches de gomme ammoniaque, gomme arabique et eau de miel avant d’être poncée à l’agate pour obtenir une surface si lisse que lorsque on pose la feuille d’or, on peut se voir dedans. C’est un travail en plusieurs étapes qui développe la patience et l’intériorité. Noëlle aime les mots attachés à cette pratique. Eux aussi viennent du moyen-âge et elle a envie de communiquer cet amour pour donner envie de lire aux gens.
Depuis une dizaine d’année maintenant, Noëlle anime les ateliers de français du centre social Le Lierre à Thionville, en bonne entente avec Stéphanie Bucci qui coordonne les ateliers. Le jeudi, les groupes de nouveaux arrivants qui ne parlent pas notre langue et le vendredi, des groupes de perfectionnement pour ceux qui ont quelques difficultés.
Ces ateliers ont commencé quand Noëlle était encore animatrice au foyer des jeunes travailleurs où elle avait été embauchée pour remettre la bibliothèque en ordre justement. Noëlle qui est secrétaire de formation avait arrêté de travailler quatorze ans pour s’occuper de ses enfants. Madame Niedercorn, la directrice du F.J.T[1], lui permettra de passer le diplôme d’animatrice le BEATEP qu’elle obtiendra en janvier 2000. A quarante quatre ans Noëlle, qui venait d’une famille sans problème particulier, découvre les difficultés que peuvent vivre certains jeunes. Pour venir en aide à ceux qui ont du mal avec la langue elle se forme à l’I.R.F.A aux techniques de lutte contre l’illettrisme. Mais avec le temps elle a appris que la méthode ne suffit pas : il faut avoir envie de faire avancer les gens et s’intéresser à eux. Savoir les écouter et se remettre toujours en question. C’est une aide personnalisée et Noëlle s’adapte aux besoins des gens. Une jeune ingénieure russe aura besoin d’un apprentissage ardu et sera capable d’assimiler un vocabulaire très spécifique alors qu’une jeune maman aura besoin de pratiquer assez la langue pour faire ses courses, déchiffrer un courrier administratif, contrôler le carnet de notes des enfants. Pour ça Noëlle se sert de logiciels d’apprentissage par modules phonétiques et grammaticaux ce qui nécessite aussi une approche de l’ordinateur et de son fonctionnement. Les participants pratiquent chaque module et Noëlle évalue leurs progrès régulièrement jusqu’à assimilation complète du module.
Noëlle, qui a dix sept ans voulait être institutrice a découvert grâce au bénévolat une façon d’être utile et d’aider les gens au cas par cas. Si elle prend en compte la situation particulière des gens, elle ne dépasse jamais son rôle de formatrice. Pour aider, il faut garder la bonne distance. Elle a appris à voir les gens au-delà des aprioris qui font de tous les étrangers des profiteurs. Elle sait que ce n’est pas vrai et que la plupart a vraiment envie de s’intégrer. C’est un échange de savoir réciproque.
Avec Saveiria , Chantal[2] et Monique, Noëlle a inventé un nouvelle façon de trouver du plaisir à se perfectionner en français. Ensemble, elles ont construit une histoire qui a pour cadre le chemin de randonnée qui traverse la Corse, le G.R 20[3] qui offre autant de possibilités d’écriture que d’étapes. L’histoire se nourrit des difficultés rencontrées sur le chemin réel et demande donc un effort de recherche documentaire. Les dessins et enluminures sont réalisés par les ateliers d’art de « de Guise » et ces dames ont hâte de voir le livre fini avec leur nom dessus car cela fait maintenant deux ans qu’elles s’y consacrent.
"aller plus loin"un film de Thomas Guedenet
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