Il y a maintenant un an que Rachid El Yaagoubi a ouvert une boucherie à la Côte des roses. Enfant, il travaillait déjà chez un boucher tous les samedis sur le marché de Longwy où il est né, mais aussi à Longwy haut le jeudi et le vendredi à Villerupt quand il n’avait pas cours ou bien pendant les vacances.
C’est pour ça que quand il a décidé d’arrêter en terminale, il ne se voyait pas continuer ses études, il n’a eu aucun mal à intégrer le Cepal de Nancy, pour passer un Cap boucherie en accéléré. Rachid a passé les tests et grâce à son niveau d’étude et à sa connaissance pratique du métier, il a été admis directement en deuxième année. Trouver du travail comme boucher n’a pas été facile en sortant du Cépal : les boucheries hallal n’étaient pas très nombreuses en Lorraine. Rachid a donc commencé à travailler en usine au Luxembourg en intérim, une fabrique de verre, Guardian. Mais l’usine il faut aimer. Et son objectif principal reste d’ouvrir un jour sa propre boucherie.
En 2009 Rachid quitte la boucherie de la cour de Rome où il travaillait depuis quatre ans pour tenter sa chance au Luxembourg. Mais l’aventure tourne court, Rachid revient travailler en France et finalement le fond de commerce est revendu.
Ça tombe bien car ces derniers temps, en passant à la Côte des roses, Rachid a remarqué une petite épicerie installée à l’emplacement du point presse de la rue Ste Barbe. Une fois, il constate que l’endroit reste fermé trois jours de suite, il est intrigué et décide de pousser la porte. Le propriétaire est prêt à céder son affaire. Les deux hommes s’entendent rapidement, Rachid n’a jamais conclu une affaire si vite, c’est un signe. Une semaine plus tard ils signent chez le notaire.
C’est un emplacement stratégique entre l’hôpital et la mosquée, le quartier est populaire et les clients peuvent venir à pied au magasin ou en voiture. C’est important, Rachid ne voudrait pas d’un magasin en centre ville : au Luxembourg, c’était toujours difficile pour les clients de stationner devant le magasin. Rachid est associé à son beau-frère et à un proche de la famille et les trois collègues ont su se faire rapidement une place : le bouche à oreille a fonctionné.
Leur projet est de marier la boucherie hallal à la tradition européenne. Rachid veut être un vrai boucher traditionnel à l’ancienne et développer une activité de préparations en charcuterie. Les clients viennent de Longwy et de Luxembourg, ce qui fait un bon boucher c’est la confiance. C’est important pour l’application du rituel hallal : les musulmans ne mangent de viande qu’à condition que l’animal ait été sacrifié dans les règles. Le sacrificateur doit égorger la bête après avoir orienté sa tête vers la Mecque et invoqué le nom de Dieu. L’animal doit être vidé de son sang qui entraîne ainsi avec lui les impuretés de l’organisme.
Rachid doit donc trouver des abattoirs hallal et vérifier lui-même que le rituel est exécuté correctement. Il se déplace ainsi jusqu’en Belgique pour trouver les meilleures conditions du marché et marquer les carcasses choisies de son tampon. Il garantit le traçage et la provenance de ses bêtes.
Une fois, pour l’Aïd-el-Kebir, Rachid a acheté son propre troupeau, a réservé un abattoir à Bastogne et a procédé personnellement au sacrifice. Il est fier d’avoir pu maitriser toute l’opération pour la satisfaction de ses clients. C’est que les temps sont durs et la concurrence aussi. Rachid se souvient que quand il faisait les marchés les gens ne regardaient pas à la dépense. Maintenant quand ils demandent un kilo, ils ne veulent qu’un kilo. Les jeunes, surtout, ont du mal. Rachid veut agrandir son affaire pour engager du personnel. Déjà rue Ste Barbe il n’a pas assez de place pour exposer tout ce qu’il voudrait vendre. Il participe volontiers à la vie du quartier et il soutient des associations comme Passage en fournissant bénévolement la viande lors du dernier couscous qui a réuni les jeunes du quartier par exemple.
Rachid veut faire partie intégrante des changements en cours à la Côte des roses et il espère bien que la ville soutiendra ses futurs projets de développement car garder un commerce de proximité, c’est donner la vie au quartier.