Introduction
Entre 1942 et 1943, sous l'Annexion de Thionville, les Allemands prennent la décision de construire une laiterie. Les travaux, cependant, ne s'achèvent jamais.
Il faut attendre 1954 pour que la laiterie incomplète soit réhabilitée. La ville, soucieuse d'offrir aux habitants du quartier Saint-François une église plus proche que Saint-Maximin, entreprend la conversion de la laiterie en lieu de culte. Monseigneur Schivre, curé-archiprêtre de Thionville, s'implique activement dans cette démarche.
L'oeuvre d'Ulysse Gémignani
L'une des premières œuvres d'art de l'église arrive en novembre 1954, sur commande de Monseigneur Schivre. Réalisée par Ulysse Gémignani, cette pièce représente le Christ. Il s'agit du premier crucifix à orner le bâtiment.
L'artiste a dû tenir compte de plusieurs critères, lors de la sculpture de son oeuvre. Celle-ci, accrochée au-dessus de l'autel, devait en effet être bien découpée dans la lumière de l'église. C'est pourquoi Christ en croix a été réalisé tourné sur le côté, le dos visible aux yeux de tous, accroché uniquement par les épaules.
Un bois exotique, l'iroko, en provenance d'Abidjan, a servi à la réalisation de l'oeuvre. Gémignani a travaillé pendant plus de deux ans sur son projet, ôtant le coeur de l'iroko pour faciliter le modelage du bois.
Il a taillé le corps du Christ dans une bille de bois pesant plus de deux tonnes et demi, large d'un mètre vingt. Le résultat final pèse 400 kg. Quant à la croix, haute de 5m et large de 3m50, elle pèse plus d'une tonne.
Deux câbles, chacun en mesure de supporter une tonne, relient la croix à la voûte du bâtiment. Les ouvriers des entreprises Schnitzler et Gil prennent en charge la suspension de l'ouvrage.
Le mercredi 24 novembre 1954, Monseigneur Schivre, bénit le chef-d'œuvre d'Ulysse Gémignani.
Mais le Grand Prix de Rome offre à nouveau ses services au quartier Saint-François, deux ans plus tard. Derrière une cabine de bois, montée sur un échafaudage dressé devant la façade de l'église, l'artiste s'applique à la réalisation d'une nouvelle oeuvre. Il finit par dévoiler aux paroissiens une statue de la Vierge, taillée à même la pierre du bâtiment.
La chorale de l'église
Notre-Dame de l'Assomption reçoit la bénédiction de l'évêque de Metz, Monseigneur Heintz, le 4 novembre 1956.
En septembre 1959, le dirigeant de la chorale de la paroisse Saint-François, M. Martin, aspire à créer une phalange de jeunes garçons, afin de compléter la chorale adulte. Ce recrutement aurait pour intérêt d'embellir les futures cérémonies organisées au sein de Notre-Dame de l'Assomption.
Les trois premières cloches
Afin de contribuer au rayonnement de l'église Notre-Dame de l'Assomption dans le quartier, la paroisse de l'abbé Canuel prend l'initiative de la doter de quatre cloches. Un grand mouvement s'organise autour de ce projet, les paroissiens étant invités à décider du nom des ouvrages, à contribuer à leur achat et à signer le Livre d'Or du presbytère. Cette décision fait suite à l'achat, par les paroissiens, d'une 2 CV à leur abbé, incapable de se rendre sur le lieu de la messe les journées enneigées (Républicain lorrain du 14 novembre 1960).
L'annonce est finalement faite le mercredi 22 mars 1961 par le Républicain lorrain. Lors de la cérémonie du Dimanche des Rameaux, Monseigneur Célestin Schivre, initiateur de la conversion de la laiterie du quartier Saint-François en église, bénira les trois cloches nouvellement arrivées. La quatrième reste dans l'attente de la réunion de fonds suffisants.
La volonté paroissienne a d'ailleurs primé. Les cloches portent les noms les plus cités lors du vote.
- « Marie-Françoise » devient ainsi une cloche pesant près de 650 kg. Dédiée à Saint-François (patron du quartier), ornée de l'inscription « Ave Maria gratie plena », elle a pour but de sonner l'Angélus. Son son est caractérisé par un Sol.
- « Marie-Anne » est moins volumineuse que « Marie-Françoise », mais elle permet de donner le son La. Son pourtour est décoré de personnes renvoyant à la notion de naissance. La Nativité est donc représentée, avec Sainte-Anne, en compagnie de Marie. La citation « Gloria in excelcis Deo, et in terra pax hominibus » est gravée dans la cloche.
- « Marie-Thérèse », enfin, se caractérise par sa masse nettement inférieure à ses grandes sœurs. 325 kg pour donner le Si. Les représentations de l'Assomption et Marie-Thérèse (Patronne secondaire de la France) sont accompagnées de la phrase « Magnificat anima mea Dominum ».
Dès le lendemain, les cloches arrivent par camion. La nouvelle se répand très vite :
« Les cloches de Notre-Dame de l'Assomption arrivent. »
Cette arrivée est d'autant plus surprenante que les pièces parviennent à Thionville entre 10h et 11h, au lien du lendemain matin. La version allemande du Courrier de Metz, le 23 mars 1961, relaie aussi l'information.
« Die glocken der Notre-Dame-Kirche sind angekommen. »
Il faut, afin de les recevoir, aménager les lieux. C'est pourquoi le sommet du clocher est renforcé par une structure de bois et de métal. Un travail de spécialiste est conduit, pour déterminer le meilleur moyen de décharger les ouvrages, puis de les conduire derrière les bancs de communion.
À l'appel de l'abbé Canuel, un camion dépanneur vient participer au déchargement. Les habitants se réunissent pour assister aux opérations, aux alentours de 13h30.
Après avoir été déposées sur le parvis par la dépanneuse, les cloches sont, grâce à un engin élévateur, emportées dans l'avant-chœur de l'église.
Le jour de la bénédiction, plusieurs centaines de curieux se rassemblent devant Notre-Dame de l'Assomption. Une fois les cloches bénies, encensées et baptisées par Mgr Schivre, les membres du clergé les font tinter, annonçant ainsi leur première utilisation dans la nuit de Pâques. La bénédiction du Saint-Sacrement parachève la cérémonie. À la sortie de l'église sont vendues de petites cloches, en guise de souvenirs.
Des employés de la Maison Paccard, à Annecy, hissent dès le lendemain les cloches au faîte du clocher. On ôte 5 cm de la base de la porte du campanile, le chambranle et même la porte, pour permettre le passage des pièces. Un emplacement est réservé au futur bourdon « Marie-Joseph ».
La quatrième cloche : le bourdon « Marie-Joseph ».
Si la paroisse devait attendre la réunion de fonds suffisants pour acquérir enfin le bourdon de Notre-Dame de l'Assomption, elle a à patienter encore cinq ans.
En avril 1961, peu après l'installation des trois premières cloches, le curé de la paroisse recevait un courrier :
« Nos cloches étaient bien jolies, lors de leur bénédiction, et leur son joyeux est plaisant, certes. Mais on ne les entend pas assez loin. C'est un peu léger, vous ne trouvez pas ? »
Et la réponse formulée par le curé se veut extrêmement rassurante sur le cas de la quatrième cloche :
« Bien sûr, cher ami, notre clocher ne fera jamais concurrence à Saint-Maximin, avec son bourdon de six tonnes. Mais tout vient en son temps, ne l'oubliez... »
Le 2 mai 1961, M. Schivre s'éteint, sa santé « usée par ce bijou » où il « avait mis tout son cœur » (Républicain lorrain du 13 octobre 1966).
Marie-Joseph, alliage d'étain et de bronze, coulée aux fonderies Paccard, pèse 1500 kg. Elle arrive à Thionville le 12 octobre 1966.
Son son Ré s'accorde ainsi avec celui des trois autres cloches. D'un côté, elle affiche le portrait de Saint Joseph, en compagnie de la Vierge Marie. « Sit laus deo patri, summo Christo deus, spiritus sancto, tribus honor unus » (« Par ma voix, le Seigneur vous appelle à célébrer ses louanges), derniers mots de l' « Ave Maria Stella», accompagne les effigies. Quant à l'autre côté de la cloche, on y trouve l'inscription « Marie-Joseph, le 4 novembre 1966, Paul VI étant pape, les amis de Thionville de Saint-François ont offert cette cloche pour la dédicace de l'église. Parrain : M. Jean-Baptiste dimanche ; marraine : Mme Marguerite Masuy ».
Son déchargement est réalisé par la grue du garage Onasch, en la présence de M. Leclerc, président de l'Amicale Saint-François et conseiller municipal, ainsi que de l'abbé Canuel. La cloche est suspendue à un portique de bois, sur le parvis de Notre-Dame de l'Assomption, dans l'attente de sa bénédiction.
D'ailleurs, celle-ci a lieu entre les messes de 9h30 et 10h30, le dimanche 16 octobre 1966. Son rôle sera désormais de convier les fidèles aux offices dominicales. Dès le lendemain, elle rejoint les trois autres cloches au sommet du clocher.
La consécration
Dix ans après la bénédiction de l'église, le 4 novembre 1956, l'abbé Canuel et la paroisse Saint-François organisent les préparatifs de sa consécration par Monseigneur Schmit, évêque de Metz.
La cérémonie débute par le scellement, dans l'autel de l'église, de quatre reliques.
- Un fragment de vêtement de Saint-François d'Assise
- Des ossements de Sainte-Agnès
- Un morceau du corps de Saint-François de Sales
- Des ossements de Saint-Fidèle
M. Bruno Ferrucci, maçon à Terville, contribue au scellement des reliques. Après cette opération, Monseigneur Schmit rend hommage au constructeur de Notre-Dame de l'Assomption : Monseigneur Schivre.
Pour fêter la consécration de l'église, 110 enfants âgés de 11 ans y sont communiés le jour-même, dans l'après-midi.
452 tuyaux
Fin décembre 1962, un orgue arrive dans l'église. Monté par des ouvriers de Boulay, il peut être déplacé n'importe où dans le bâtiment. 452 tuyaux (50 en bois de chêne, 30 en bois de sapin, 372 en métal, soit à 30, soit à 50% d'étain) contribuent à l'harmonisation de ses sonorités. Son inauguration a lieu lors de la messe de minuit.
En 1996, à la demande de l'Abbé Blum, une estrade est installée derrière l'autel. Cela permet de rehausser l'orgue et la chorale (jusqu'alors positionnée plus bas). Le facteur d'orgue Koenig s'occupe également de nettoyer l'orgue de l'église, passant quinze-heures à le réparer et à le dépoussiérer.
Une église accessible à tous
Un nouveau cap est doublé par l'église, lors de l'inauguration, le dimanche 23 novembre 2003, d'un ascenseur. Destiné aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, il leur permet directement, depuis le côté donnant sur la cour de l'école primaire Victor-Hugo, de rejoindre l'église. Cette installation a été préférée par la Ville à celle d'une rampe, qui aurait posé des problèmes esthétiques au bâtiment.
Les dons
Après cinq mois de travail d'une paroissienne ayant tenu à rester dans l'anonymat, une mosaïque (1,20m X 1,80m) à l'effigie de Saint-François est offerte à l'église du quartier en juin 2004.
Ulysse Gémignani
Ulysse Gémignani naît d'un père italien, le 21 décembre 1906, à Paris. Étudiant aux Beaux-arts de 1926 à 1933, il obtient le Premier Grand Prix de Rome à la fin de ses études. Ses œuvres sont exposées dans la capitale, au Salon des Artistes Français, ce qui lui vaut de nombreux prix et distinctions.
Le sculpteur est extrêmement influencé par le classicisme. Son travail s'oriente aussi vers une tendance plus humaniste, en conservant les facettes réalistes du corps humain. Certaines de ses œuvres ont rencontré un immense succès :
- Dionysos en marbre ( 1937 - Parthenay)
- Haut-relief de 80 m2 (1938 - Pavillon français, lors de l'Exposition de New-York)
- Fontaine en pierre (1943 - [1])
- Pierre de trois mètres (1951 - Monument aux Déportés de Bayeux)
- Pierre de quatre mètres pour la statue de Merlin (Thionville)
- Christ en bois de cinq mètres (1954 - Thionville)
- Haut-relief en bronze (1959 - Mémorial du Mont-Valérien)
Un grand merci à M. Laglasse et aux membres des Archives municipales de Thionville, pour leur patience, le temps accordé et leurs conseils. Un grand merci également à l'équipe du Centre le Lierre pour la réalisation de cet article.
Crédits photos : Archives municipales de Thionville (tous droits réservés) & SANTILLI Corentin
Crédits documentation : Archives municipales de Thionville
Article initié par SANTILLI Corentin